Certaines affaires qui ont entaché l’industrie alimentaire permettent de faire évoluer la réglementation. Elles peuvent aussi générer des opportunités d’innovation.
Plusieurs crises sanitaires liées à l’alimentation se sont succédé au cours des dernières décennies. On se souvient de l’affaire de la vache folle (ESB) dans les années 90-2000, ou plus récemment, les lasagnes à la viande de cheval (Horsegate) en 2013, les œufs au fipronil en 2017, ou encore les pizzas Buitoni contaminées, en 2022. Même le chocolat n’est pas épargné, avec la découverte en juin dernier de cadmium dans certains chocolats par l’UFC-Que Choisir.
Qu’elles soient révélées par la presse, des lanceurs d’alerte ou des études scientifiques, ces affaires peuvent entraîner des évolutions réglementaires notables. En 2007, l’étude de Southampton avait établi un lien entre certains colorants alimentaires et l’hyperactivité chez les enfants. Résultat : obligation d’un étiquetage spécifique et reformulation massive par les industriels, qui ont privilégié les colorants naturels. Dès 2011, ces derniers dépassaient en volume les colorants artificiels… La tendance clean label était lancée.
Le bisphénol A, un perturbateur endocrinien, a été interdit en 2012 dans les contenants destinés aux enfants de moins de trois ans, puis dans tous les contenants alimentaires en France à partir de 2015. Plus récemment, le dioxyde de titane (E171), suspecté d’effets immunotoxiques et cancérigènes, a été interdit dans l’alimentation en Europe depuis janvier 2022. Huit arômes de fumée ont également été retirés du marché européen en juillet 2024 pour leur potentiel à endommager l’ADN ou provoquer des cancers.
Ces alertes peuvent aussi entraîner des répercussions locales. Fin 2024, les ONG Bloom et Foodwatch ont révélé la présence de mercure dans des boîtes de thon en conserve. Huit grandes villes françaises – Paris, Lyon, Lille, Montpellier, Rennes, Grenoble, Bègles et Mouans-Sartoux – ont cessé de proposer du thon dans les cantines scolaires, affectant ainsi l’alimentation de quelque 3,5 millions d’élèves.
La résilience de l’industrie alimentaire fait que les avancées scientifiques ou les mauvaises pratiques des uns sont autant d’opportunités pour d’autres de développer des produits plus adaptés aux nouvelles attentes des consommateurs.
Par exemple, fondée par Anne Nguyen, la start-up BioAlva développe une alternative végétale au poisson à base d’algues et de légumineuses fermentées françaises avec une démarche durable pour pallier la surpêche, tout en apportant les bienfaits nutritionnels des produits marins sans ajout de nutriments artificiels. Leur cible : les cantines scolaires. Soutenue entre autres par Bpifrance, Vitagora, Food’InnLab, AgroParitech et le Conseil national pour la résilience alimentaire, la start-up a reçu, en 2024, le laurier de la transition alimentaire, catégorie Développement durable.
Malgré ces crises, rappelons que l’alimentation en Europe n’a jamais été aussi encadrée et sûre. La clé reste la diversité : car comme le dit le vieil adage, c’est la dose qui fait le poison. Une exposition ponctuelle à un contaminant peut être moins nocive qu’une consommation excessive de sucres et de graisses saturées sur le long terme.
Et en cette saison des champignons, gardons à l’esprit que la nature elle-même reste l’une des plus grandes sources de toxines alimentaires…