La question est posée par Pierre Chevalier, expert stratégie et innovation dans les systèmes d’emballages mécanisés écoconçus, fondateur de NEXO Tech et associé du Geppia. Elle s’inscrit dans l’environnement chahuté de la filière emballage et dans les dernières avancées des sciences de l’innovation, très actives dans d’autres secteurs industriels. Elle vise à ouvrir des portes vers de nouveaux espaces de créativité et à mobiliser l’intelligence collective pour incuber une transformation profonde, gage de résilience des OEM français.
Le fait de poser cette question signifie-t-il que les efforts de R&D et les brevets déposés par les fabricants de machines d’emballage sont insuffisants ?
« L’innovation chez bon nombre d’OEM français est à mon sens trop focalisée et court-termiste, au vu du contexte économique dans lequel nous évoluons et des enjeux sociétaux qui se posent à nous, répond Pierre Chevalier. Elle est centrée sur la technologie, principalement amenée par les grands acteurs du mouvement industriel et de la robotique, et souvent discontinue, poussée par les contraintes réglementaires. Mais surtout, elle est solitaire : chacun innove dans son coin, en se focalisant sur son corps de métier, alors que l’emballage est une discipline intrinsèquement systémique et transversale. Toutes ces caractéristiques contribuent à limiter, au fil du temps, le potentiel d’innovation de nos constructeurs. »
Il y aurait donc d’autres voies à explorer, plus en phase avec notre époque. Des voies dont les constructeurs n’ont peut-être pas encore connaissance ou conscience, et qui ne seraient accessibles qu’en faisant sauter le verrou des habitudes. L’innovation frugale, la cocréation, la réflexion stratégique sur les changements de business models en sont quelques-unes.
Il y a aussi, derrière l’idée de nourrir son potentiel innovation, l’envie de promouvoir une posture différente : celle qui vise à muscler une compétence indispensable à la survie des entreprises, plutôt qu’à imaginer un nouveau produit. « Tout va tellement vite aujourd’hui que le chemin ou processus est presque plus important que le résultat. Chaque action posée dans le cadre de l’innovation va faire bouger l’environnement dans lequel elle se déploie, et générer de nouvelles contraintes ainsi que de nouvelles opportunités. Nos OEM doivent être capables de suivre les mouvements de leur écosystème, d’attirer et d’animer des équipes plus jeunes et plus internationales, s’ils veulent contribuer à résoudre des problèmes environnementaux et sociétaux. »
Avons-nous consacré suffisamment de temps à définir ensemble, toutes parties prenantes de notre filière incluses, y compris les consommateurs finaux, les problèmes que nous voulons résoudre collectivement ?
Quelles sont les limites que nous nous sommes, nous-mêmes, fixées en matière d’innovation et qui peuvent être levées par la collaboration ?
De quelles compétences/connaissances avons-nous besoin pour relier nos dynamiques d’innovation individuelles dans une vision plus globale du process de l’emballage (primaire/secondaire/tertiaire), toujours plus intégré du fait de l’évolution des machines et des chaînes logistiques ?
En acceptant de répondre à ces questions avec l’énergie qui les caractérise, les constructeurs de machines de conditionnement, maillon incontournable entre les producteurs de matériaux et les industriels metteurs au marché, peuvent contribuer à repenser durablement la fonction emballage. Certains d’entre eux se sont déjà lancés ; il ne reste à leurs coéquipiers qu’à leur emboîter le pas.