Où sont passés les créateurs d’arômes ?

Le 13/11/2025 à 8:17

L’agroalimentaire fait face à une pénurie d’aromaticiens. Malgré des formations reconnues, comme l’ISIPCA, Montpellier ou Le Havre, trop peu de jeunes choisissent cette voie pourtant stratégique.

Dans l’agroalimentaire, les arômes ont toujours occupé une place centrale. Mais la pression s’accentue : attentes accrues de naturalité, réduction du sucre, du sel ou des matières grasses, quête de transparence et d’expériences sensorielles inédites. Autant de tendances qui renforcent encore le rôle clé des aromaticiens. Or, leur nombre reste dramatiquement insuffisant, fragilisant la capacité d’innovation des entreprises.

Une expertise rare, difficile à transmettre
Le secteur arrive aujourd’hui au terme du cycle de départs massifs liés aux baby-boomers. Dans un métier où les compétences se construisent au fil des années, le risque est réel de voir disparaître un savoir-faire sans réelle passation. La question n’est plus tant la vague de départs, mais la manière dont les connaissances accumulées vont – ou non – être transmises.

Autre difficulté : les experts confirmés sont rarement accompagnés vers des responsabilités managériales. Beaucoup restent cantonnés à un rôle purement technique, sans perspective de diriger une équipe ou un projet. Cela complique leur fidélisation et contribue au déficit de profils capables d’assumer des postes de management, pourtant indispensables pour structurer la relève.

Les professionnels du secteur estiment qu’il faudrait former au moins deux fois plus d’étudiants pour couvrir les besoins. Or, les cursus existants peinent à attirer suffisamment de jeunes talents, souvent plus séduits par la parfumerie et la cosmétique ou simplement peu informés de la portée stratégique de l’aromatique alimentaire. Sur les 200 diplômés de Master 2 à l’ISIPCA, seule une vingtaine aspire à travailler dans les arômes.

Une attractivité encore trop faible
À cette difficulté de recrutement s’ajoute un problème de reconnaissance : pendant longtemps, les jeunes aromaticiens ont été recrutés autour de 30 à 35 K€ annuels, malgré des années d’études exigeantes et une expertise scientifique rare. Cette stagnation a découragé nombre de vocations. Depuis peu, certains grands groupes internationaux relèvent leurs offres, avec des salaires d’entrée autour de 45 K€ et de vraies perspectives internationales. Mais les PME, souvent très actives à l’export, restent désavantagées : implantées parfois loin des grands centres urbains, elles attirent difficilement les jeunes diplômés, alors même qu’elles offrent des projets passionnants et une ouverture internationale.

Quels leviers pour l’avenir ?
Les solutions sont connues :

  • Revaloriser les salaires d’entrée, pour aligner rémunération et niveau de compétences.
  • Ouvrir des perspectives de carrière : former les experts au management, offrir des trajectoires claires et motivantes.
  • Faire connaître le métier plus tôt, dès le lycée ou les premières années supérieures, afin de susciter des vocations.
  • Aider les PME à rester compétitives, via des dispositifs publics ou sectoriels permettant d’améliorer leurs propositions.
  • Assurer la transmission des savoirs entre seniors et jeunes diplômés, pour éviter la perte d’une expertise unique.

L’aromatique a toujours été essentielle à l’agroalimentaire. Mais sans un effort collectif pour attirer, valoriser et fidéliser les talents, la France risque de voir s’éroder un savoir-faire qui fait partie de son patrimoine industriel et de son rayonnement international.

 

4 formations spécialisées en France

  • ISIPCA (Versailles/Paris/Grasse) : près de 200 étudiants/an dont 30 % internationaux en M2, répartis en parfumerie, cosmétique, arômes alimentaires et marketing du luxe.
  • Université du Havre – Master ARPAC : environ 30 étudiants en M1 et 24 en M2.
  • Université de Montpellier – Master ICAP Arômes & Parfums : près de 20 étudiants par promotion en M1 et M2.
  • Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines – FESAPCA environ 20 étudiants M2 par promotion.

 

Par ELENA BODRUNOVA et l’équipe Manageria

 


Cabinet conseil en recrutement dédié à l’agroalimentaire depuis 35 ans, MANAGERIA accompagne les PME, ETI et groupes en France et à l’étranger. Notre équipe a déployé une expertise pointue sur les cadres et dirigeants. Afin d’être présents sur l’ensemble de l’écosystème agri-agro, nous avons créé une alliance avec le cabinet SYNOVIVO dédié au secteur agricole. Pour poursuivre les échanges, contactez Cécile Boulaire, directrice de Manageria : c.boulaire@manageria.fr manageria.fr et synovivo.co
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