Dossier Qui sont les champions français ?

EXCLUSIF. En 2019, le chiffre d’affaires des premiers groupes basés en France a progressé de 2,4 % en moyenne. Si les investissements et les activités hors de l’Hexagone sont stables, la rentabilité recule. Une fragilité que la crise du Covid-19 risque d’encore accroître.
Et le champion 2020 de l’agroalimentaire est… Danone ! Le géant français dépasse pour la premier fois la barre symbolique des 25 milliards d’euros de chiffre d’affaires, quand le second, Lactalis, atterrit à 20 milliards d’euros, loin devant Pernod Ricard, troisième du 27e Palmarès RIA (lire ci-dessous). En moyenne, les champions de l’agroalimentaire de plus de 100 M€ ont vu leur chiffre d’affaires progresser de + 2,4 %, sur un échantillon de 116 sociétés. De son côté, Agreste, le service statistique du ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation, annonce une évolution du chiffre d’affaires du secteur de + 2,5 % (hors tabac). Dans sa note de synthèse conjoncturelle de juin 2020, l’organisme officiel met en lumière de fortes disparités selon les secteurs, avec d’un côté, des activités en fortes hausses, comme la BVP (+ 5,2 %), et d’autres très en retrait, comme les corps gras (- 5,7 %) ou les produits de la mer transformés (- 0,4 %). « La croissance du chiffre d’affaires est nettement supérieure à la moyenne des cinq dernières années », constate le service statistique. Une croissance qui cache cependant une situation beaucoup moins florissante. Toujours selon Agreste, la production totale du secteur aurait continué de reculer en volume en 2019. Elle perdrait 0,6 %, après - 0,8 % en 2018, renouant ainsi avec les volumes de 2013. « Ce repli correspond à une baisse de la consommation des ménages évaluée à 1,8 % en volume l’an dernier. Pour la première fois depuis 2008, la part de l’alimentation dans les dépenses en biens des ménages se contracte en volume de - 0,4 point », évalue Agreste. Parallèlement, la hausse des prix à la production s’est poursuivie (+ 1 % en 2019). Dans ce contexte, l’enquête RIA met en lumière un recul du résultat net (ou RN part de groupe pour les groupes) de - 7,8 % sur une population de 48 sociétés. Cette dégradation inexorable de la rentabilité ne cesse d’inquiéter l’Ania, l’Association des industries alimentaires. Le taux de marge (EBE/VA) se serait encore contracté en 2019, à 37 %, contre plus de 41 % en 2015.
De son côté, la part des activités réalisées hors de France (exportations et filiales étrangères) est restée stable en valeur selon RIA, à 63 % du chiffre d’affaires de 2019 (échantillon de 63 sociétés), contre à peine 23 % pour le secteur. La présence d’un nombre important de très grands groupes mondialisés, comme Moët Hennessy (5 % de son activité en France), Pernod Ricard (6 %), ou même Danone (9 %), contribue à gonfler cette part internationale. De même, notre périmètre d’analyse peut dépasser le strict cadre alimentaire, selon les entreprises et les groupes. Nous ne sommes en effet pas en mesure d’isoler avec précision les activités non alimentaires des groupes interrogés, comme la distribution, la restauration, l’hygiène et la beauté ou encore l’amont agricole. Nous notons également une stabilisation de l’investissement industriel. En 2019 comme en 2018, il a atteint 3,5 % du chiffre d’affaires (échantillon de 43 sociétés). Soit plus de 6 milliards d’euros en rapportant cette part au CA officiel du secteur communiqué par l’Ania (180 milliards d’euros) !
Incertitudes pour 2020
En 2020, le Covid-19 a fortement ébranlé le secteur. « Au plus fort de la crise, les entreprises de l’alimentation ont rempli leur mission, celle de nourrir les Français, en protégeant les salariés », rappelle l’Ania. Durant la période du confinement, le chiffre d’affaires aurait cependant baissé de 22 % et 70 % des entreprises auraient constaté une baisse de CA, selon le Baromètre Ania/Covid-19. Le plan de relance gouvernemental doté de 100 milliards d’euros est perçu par les industriels de l’alimentaire comme un « signal fort ». « Je salue le choix du gouvernement de mettre la souveraineté alimentaire au cœur des enjeux de l’économie et surtout des emplois de demain », déclare Richard Girardot, président de l’Ania. Il appelle ainsi ses adhérents à être « les moteurs d’une chaîne alimentaire solidaire, résiliente, ancrée dans les territoires et proactive à l’export ». Un défi de taille pour un secteur fragilisé.
Leaders en France : 17 groupes français dans le Top 30
Classement général : les champions à plus de 100 M€ de CA
RIA publie cette année son 27e Palmarès des IAA. Cette enquête exclusive a été réalisée à partir de notre outil d’enquête en ligne, l’Observatoire national des entreprises agroalimentaires.
Les entreprises de plus de 100 M€ de CA, qu’elles soient à capitaux français ou étrangers, de statuts coopératifs ou bien cotées en Bourse, ont été interrogées en juillet et août 2020 (voir classement général en page 28 et suivantes). Afin de proposer un classement aussi complet que possible, nous avons complété les informations communiquées avec des données extérieures (dépôt aux greffes, presse…) ou encore par des estimations.
Si votre entreprise ne figure pas dans ce classement, merci de contacter François Biaggini. Tél. : 01 40 22 79 61, courriel : f.biaggini@gfa.fr
RIA : Comment se portent les entreprises agroalimentaires ?
Nos chiffres à date confirment les enquêtes menées post-confinement par Coop de France et l’Ania, à savoir un recul du chiffre d’affaires des entreprises agroalimentaires de l’ordre de 25 % pour l’exercice 2020. Ma crainte actuelle est que si un rebond de la pandémie devait avoir lieu, le secteur du tourisme, déjà fortement touché par la crise, le soit encore plus avec une arrière-saison difficile. Dans ce cas, les fournisseurs des cafés-hôtels-restaurants verraient leurs résultats pénalisés encore plus lourdement que ce qui est anticipé.
RIA : Quelles filières ont le plus souffert ?
Déjà affaiblie par la fermeture du marché états-unien due aux taxes Trump et la perte de débouchés vers la Chine à la suite des accords de libre-échange que celle-ci a signés avec l’Australie et le Chili, l’industrie vitivinicole a été fortement touchée par la crise du Covid-19. Elle se trouve donc aujourd’hui en situation très délicate, y compris le secteur des champagnes. L’État français a d’ailleurs autorisé la première distillation de crise depuis deux décennies. En ce qui concerne l’industrie agroalimentaire dans son ensemble, les brasseurs, les grossistes et industriels fournisseurs de la RHF ont été très lourdement impactés lorsque les entreprises qui livraient la GMS ont, elles, vu leurs ventes chuter dans la seconde période du confinement. Les produits AOP vendus à la coupe ont également souffert.
RIA : Les entreprises ont-elles fait appel aux dispositifs gouvernementaux ?
Les prêts garantis par l’État (PGE) ont été particulièrement bienvenus et ont été un vecteur de soutien extrêmement fort des entreprises. Ils se montent au Crédit Agricole, à fin juillet, pour le secteur alimentaire, à 1 Md€, représentant environ 10 % du total. Si les IAA de plus de 100 M€ de chiffre d’affaires n’y ont, pour le moment, pas recouru massivement, des demandes de plus en plus régulières nous remontent actuellement. N’oublions toutefois pas que ce dispositif ouvert jusqu’au 31 décembre 2020 n’est pas une subvention mais une dette qu’il faudra rembourser. Cela pourrait décaler d’autant la reprise si la pandémie venait à perdurer. Cette crise a aussi révélé l’importance pour les entreprises de disposer de structures financières solides avec des fonds propres suffisants pour faire face aux coups durs. Le plan de relance gouvernemental devrait en tenir compte et faciliter la capacité des intervenants à accompagner les entreprises en matière de capital-investissement.
RIA : La crise actuelle va-t-elle accélérer les opérations de consolidation ?
C’est évident car, même si la progression des parts de marché de certains acteurs de la grande distribution montre l’importance prédominante du prix, les tendances de consommation actuelles passent aussi par plus de naturel et de durable. Et si des opérations de consolidation sont inévitables pour les entreprises qui ne disposent pas de la structure financière pour assurer cette transition, la crise du coronavirus aura un effet accélérateur sur d’éventuels regroupements. N’oublions également pas les Égalim qui auront un impact structurel sur les business models qui reposaient sur des ventes en promotion. Je pense notamment aux secteurs du canard, du champagne premier prix et à certains domaines de la salaison.
RIA : Quelles devraient, selon vous, être les priorités du plan de relance ?
En termes de filière, je ciblerai prioritairement le secteur des produits carnés. Malgré l’importance du cheptel français au niveau européen, la rentabilité de cette industrie est historiquement basse, inférieure à 4 %. C’est l’une des filières dont il faut accompagner la modernisation tout en veillant au respect des grands équilibres. En effet, si l’on y trouve quelques intervenants importants, ce secteur reste globalement trop atomisé. Dans un second temps et de façon plus conjoncturelle, je pense que la filière vitivinicole doit être encore accompagnée durant cette période difficile. Enfin d’un point de vue plus financier, comme je l’indiquais ci-dessus, faciliter le développement du capital-investissement est un impératif pour accompagner la phase de reprise.
Évolution en pourcentage du CA.
Que ce soit par croissance externe ou par croissance organique, plusieurs groupes et ETI ont enregistré de belles performances en 2019, à l’instar de Froneri, fruit du rapprochement des activités glacières de R & R et de Nestlé, ou de Biscuit International qui continue sa croissance européenne dans l’univers des biscuits sous MDD. La reprise de Lutti par Carambar & Co a aussi donné un beau coup de fouet à la croissance du confiseur.
Nom | CA 2019 (M€) | CA 2018 (M€) | Evol. CA | |
1 | Froneri France * | 379 | 192 | 97 % |
2 | Biscuit International | 505 | 362 | 39,6 % |
3 | HJ Heinz France * | 160 | 135 | 19 % |
4 | Darégal | 175 | 150 | 16,7 % |
5 | Carambar & Co | 345 | 308 | 12 % |
6 | Mix Buffet | 280 | 250 | 12 % |
7 | Compagnies Léa Nature | 450 | 403 | 11,7 % |
8 | Dijon céréales | 446 | 401 | 11,2 % |
9 | LSDH | 886 | 800 | 10,8 % |
10 | Groupe Isigny Ste-Mère | 452 | 411 | 10 % |
11 | Groupe Louis Roederer* | 177 | 162 | 9,3 % |
12 | Cérélia | 500 | 459 | 8,9 % |
13 | Ferrero France | 1 366 | 1 259 | 8,5 % |
14 | Moët Hennessy | 5 576 | 5 143 | 8,4 % |
15 | Groupe Lactalis | 19 960 | 18 500 | 7,9 % |
* Données extérieures ou estimations. |

Résultat net sur chiffre d’affaires.
Les maisons de champagnes et de spiritueux ont enregistré parmi les plus importantes rentabilités, dépassant les deux chiffres pour certaines, même si globalement l’année 2019 ne restera pas dans les annales du Palmarès RIA. Danone perd notamment deux points par rapport à l’an dernier, en raison de charges opérationnelles exceptionnelles et d’une dépréciation d’une participation. Enfin, Isigny Ste-Mère bénéficie toujours de ses choix internationaux.
Nom | CA 2019 (M€) | RN 2019 (M€) | Marge nette | |
1 | Groupe Louis Roederer * | 177 | 64,8 | 36,7 % |
2 | McCain Alimentaire * | 268 | 42,3 | 15,8 % |
3 | Laurent Perrier (1) | 232 | 23,7 | 10,2 % |
4 | McCormick France | 354 | 28,2 | 8 % |
5 | Danone | 25 287 | 1 929 | 7,6 % |
6 | Groupe Salins * | 149 | 9,2 | 6,2 % |
7 | Malongo | 117 | 6 | 5,1 % |
8 | Nicolas Feuillatte | 212 | 10,2 | 4,8 % |
9 | Groupe Isigny Ste-Mère | 452 | 20 | 4,4 % |
10 | Limagrain | 1 883 | 80 | 4,2 % |
11 | Menissez * | 150 | 6,1 | 4,1 % |
12 | Bel | 3 403 | 121 | 3,6 % |
13 | Findus France * | 252 | 8,8 | 3,5 % |
14 | Groupe LDC (1) | 4 419 | 143,7 | 3,3 % |
15 | Unilever France * | 2 201 | 63,5 | 2,9 % |
* Données extérieures ou estimations. (1) En 2019, données de l’exercice clos en 2020, en 2018, celle de 2019. |

Évolution en valeur absolue du CA.
Lactalis a réalisé l’une de ses meilleures années en termes d’acquisitions qui lui a permis de consolider ses positions au Brésil et au Canada. Déjà, la reprise du fromager italien Castelli devrait le propulser à la tête des AOP fromagères transalpines. À l’avant-poste des coopératives, le groupe Agrial confirme son appétit de croissance et de diversification, alors que Cooperl bénéficie à plein de la reprise de Madrange et de Montagne Noire.
Nom | CA 2019 (M€) | CA 2018 (M€) | Progression | |
1 | Groupe Lactalis | 19 960 | 18 500 | 1 460 |
2 | Groupe Danone | 25 287 | 24 651 | 636 |
3 | Moët Hennessy | 5 576 | 5 143 | 433 |
4 | Groupe LDC (1) | 4 419 | 4 124 | 295 |
5 | Groupe Agrial | 6 090 | 5 840 | 250 |
6 | Froneri France * | 379 | 192 | 187 |
7 | Cooperl Arc Atlantique | 2 434 | 2 264 | 170 |
8 | Biscuit International | 505 | 362 | 143 |
9 | Ferrero France | 1 366 | 1 259 | 107 |
10 | Groupe Bigard | 4 458 | 4 356 | 102 |
11 | Agromousquetaires | 4 129 | 4 030 | 99 |
12 | Bel | 3 403 | 3 312 | 91 |
13 | Groupe Even | 2 254 | 2 164 | 90 |
14 | LSDH | 886 | 800 | 86 |
15 | Groupe Bonduelle (1) | 2 854 | 2 777 | 77 |
* Données extérieures ou estimations. (1) En 2019, données de l’exercice clos en 2020, en 2018, celle de 2019. |
